L’artiste et psycho-thérapeute Marine Falk Leplat n’a pas peur de plonger dans la psyché humaine. Peintre de “paysages intérieurs”, elle pose sur toile les émotions les plus viscérales sous formes d’allégories d’une grande expressivité.
D’influence art brut, son travail ne se décrypte pas au premier regard. La richesse de ses symboles se dévoile : un peu, lors de la contemplation d’une toile ; beaucoup, lors de longs moments d’analyse introspective face à l'œuvre ; et passionnément, à l’occasion d’un échange direct avec l’artiste.
La galerie Misancene est donc allée à la rencontre de Marine Falk Leplat pour l’interroger sur le sens caché de l’une de ses toiles phares. Découvrez les récits nichés derrière La balade des métamorphoses dans cet article “décryptage d'œuvre” !
La balade des métamorphoses, l’oeuvre décryptée par Marine Falk Leplat
Selon Marine Falk Leplat, La balade des métamorphoses est avant tout “une toile sur la féminité, sur la fécondité”.
Inspirée par un très vieil arbre dans le Marais, à Paris, l’artiste a exceptionnellement pris pour support une photographie. Créant habituellement à partir de rien, face à une toile vierge, elle n’a pu résister à l’appel de cet arbre centenaire, qui figure tout le long du côté gauche de l'œuvre.
Point de départ de la narration qui s’improvise ensuite au contact de la matière, cet arbre à tête de cheval est “une forme phallique, une force tranquille et sécurisante”, qui soutient la femme enceinte, personnage principal de La balade des métamorphoses.
Cette femme, comme crucifiée et fusionnée à son tronc, déborde d’attributs féminins. La poitrine et le ventre sont ronds, lourds, pesants. Marine Falk Leplat dépeint ainsi “la monstruosité de la féminité, la déformation du corps lors de la grossesse, l’obligation de produire la vie, qui est à la fois un cadeau merveilleux et un fardeau étouffant”.
Cette féminité dévorante interroge sur la dualité de la maternité. Le désir d’enfant, entre obligation sociétale et promesse de panacée, est représenté dans toute son intensité. L’expérience de l’accouchement ne se veut pas embellie et glorifiée, mais terre à terre, presque sanguinaire, à l’image de ce ciel rouge, non pas apocalyptique, mais couleur de sang, que l’artiste nomme “ciel d’organe”.
En effet, les toiles de Marine Falk Leplat sont avant tout des “paysages intérieurs”. Ici, nous nous trouvons à l’intérieur du corps féminin, dans une vision hallucinée et symbolique de l’expérience de la gestation. Ce ciel est fait de peau et de chair, il abrite un spectacle chaotique, jonché de métaphores allégoriques.
Au bout du bras de la femme enceinte se trouve une cloche, une tête d’homme, de laquelle s’échappe une substance dorée. C’est la source de l’ensemencement de la terre, qui occupe la moitié inférieure du tableau et qui présente une riche fertilité. Irriguée par des cours d’eau abondants et une cascade, elle présente un décor verdoyant, synonyme de vie.
Il s'agit de la vie produite par les figures féminines et masculines habitant le haut du tableau, le ciel. Ces forces du féminin et du masculin sont présentées par Marine Falk Leplat comme complémentaires. Elle se refuse à une “guerre des sexes”. Le masculin, également incarné par les créatures du faune, à gauche de l’arbre, et du dragon, à droite de la toile, sont ici pacifiques. Faune mais pas satyre, dragon mais ne crachant pas de feu, l’heure n’est pas à la violence.
Ces figures mythologiques figurent avant tout comme des concepts. Elles incarnent, dans la vie intérieure de la psyché, "l’idée de force, de soutien, d’apaisement et de sécurité", durant cette période de trouble que vit l’entité féminine.
En contrepoids de la femme sur le point d’accoucher, Marine Falk Leplat peint une figure féminine virevoltante, s’envolant dans la partie supérieure droite du tableau. Elle est légère, “le processus est terminé”. Elle est “exsangue mais apaisée”. À peine vivante, elle semble s’être transformée en femme-berceau, un cocon portant le nourrisson.
Au-dessous d’elle, sur terre, une silhouette blanche fantomatique semble prier, comme un ange-gardien. Il s’agit de la personnification du féminin sacré, qui accompagne la femme dans sa trajectoire de Vie/Mort/Vie, de l’horreur à la joie.
Finalement, La Balade des métamorphoses entremêle avec harmonie les forces féminines et masculines, célestes, aquatiques et terrestres. Ce n’est ni un enfer ni un paradis, mais une représentation de la balade, pas si tranquille, des métamorphoses de la féminité. Au cœur des entrailles, l’artiste nous offre une immersion toute en allégorie de l’un des processus cachés de la vie, la grossesse. Et si cela est incontestablement douloureux, c’est aussi assurément puissant.
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