À la découverte de l’artiste ORLAN à travers 5 œuvres phares

Publié le 26 Apr 2024

ORLAN, née Mireille Porte en 1967, est une artiste plasticienne transmédia et féministe française. Elle pratique à la fois la peinture, la sculpture, la performance, la photographie, l’installation, et explore toutes les nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle à la robotique. 

 

Ses revendications commencent au pas de son identité, son nom d’artiste :Je suis ORLAN, entre autres et dans la mesure du possible. Et mon nom s'écrit en capitales. C’est important car c’est politique. Je ne veux pas que le masculin gagne tout le temps, c’est une volonté de ne pas disparaître en tant que femme."

 

Avant-gardiste à bien des égards, ORLAN a interrogé durant toute sa carrière les statu quo, en particulier ceux des injonctions et violences entourant le corps féminin. Elle a érigé le sien en sujet de débat public, en instrumentalisant son apparence corporelle au fil de ses œuvres. 


Du rôle de la femme dans la société à la révolution de l’identité à l’ère du numérique, cette artiste qui vit par et pour son oeuvre n’a eu de cesse de toucher aux cordes sensibles qui font frémir d’effroi ou d’admiration ses contemporains. 

Découvrez l’inimitable ORLAN à travers 5 de ses œuvres phares qui ont secoué le monde de l’art !

ORLAN, Strip-tease occasionnel à l’aide des draps du trousseau, 1975

ORLAN, Strip-tease occasionnel à l’aide des draps du trousseau, 1975

La première oeuvre emblématique d’ORLAN est cette série de 18 photographies en noir et blanc réalisées en 1974 et rassemblées pour former une seule oeuvre un an plus tard. À elle-seule, l'œuvre Strip-tease occasionnel à l’aide des draps du trousseau incarne les enjeux du travail de l’artiste. Dans chaque photographie, ORLAN se met en scène, dans le but de les déconstruire, en différents personas féminins.

 

De la madone recouverte d’un large drapé à la Vénus de Botticelli dénudée, elle interroge les stéréotypes identitaires qui entourent la femme afin de révéler l’impossibilité qu’ont les femmes d’y échapper. Du prêt-à-porter au prêt-à-penser, les femmes sont constamment recouvertes de jugement, et par ce geste artistique, elle entend les mettre en lumière, pour les faire disparaître. 

“J’ai toujours pensé que le strip-tease est absolument impossible pour une femme, parce qu’il y a toujours des images préconçues qui la précèdent, des images qu’on ne peut pas enlever."
ORLAN

ORLAN, Le Baiser de l’artiste, 1977

Parmi les scandales du monde de l’art figure celui d’ORLAN, à la FIAC de 1977. Alors qu’elle n’est pas officiellement invitée à l’événement, elle s’immisce en réalisant sa performance Le Baiser de l’artiste. Détourées sur carton, une photographie de son alter ego Sainte ORLAN et de son buste nu sont exposées sur une estrade, derrière lequel elle s’assied. A l’aide de panneaux manuscrits, elle invite les spectateurs à faire un choix : déposer un cierge à la madone ou introduire une pièce de 5 francs dans la fente du buste afin d’obtenir un baiser de l’artiste.

 

Cette œuvre d’art conceptuel a pour but de dénoncer l’invisibilité des femmes artistes sur le marché de l’art. En créant de l’art accessible pour une somme modique, elle moque la faible valeur accordée à leur travail tout en pointant du doigt la monétisation du corps de la femme. Ce scandale la propulsera sur le devant de la scène mondiale. 

ORLAN, Omniprésence (Opération chirurgicale-performance), 1993

Ambiance du bloc opératoire pendant la lecture du texte d’eugénie Lemoine-Luccioni, 7e opération-chirurgical-performance dite « Omniprésence », 1993, 165x110cm, Cibachrome en diasec

Dans une démarche qui pourrait être qualifiée d’extrême, ORLAN a fait de son propre corps le porte-parole de son leitmotiv politico-artistique. Elle subit alors une série d’opérations de chirurgie esthétique dans le but de questionner les standards de beauté auxquels les femmes sont soumises. Ainsi, elle devient actrice de son image en faisant un pied de nez aux attentes sociales. En 1989, elle baptise cette série de performances “art charnel”, des “autoportraits au sens classique mais réalisés à l’aide des technologies actuelles”. Elle fait ainsi de son corps un “lieu de débat public”, et de l’acte opératoire, une mise en scène théâtrale dont elle est la cheffe d’orchestre. Dans le bloc, elle fait costumer les médecins, lit des textes d’Artaud ou de Serres, dirige les caméras. Durant Omniprésence, sa neuvième opération, elle se fait poser des implants, qui au lieu de réhausser ses pommettes, forment des cornes au niveau de son front. La chair ouverte et sanglante, ORLAN affirme sa puissance créatrice aux yeux du monde en direct. 

Self-hybridation africaine, Profil de femme Mangbetu et profil de femme euro-stephanoise, 2000

Self-hybridation africaine, Profil de femme Mangbetu et profil de femme euro-stephanoise, 2000

Questionner l’idéologie et les canons dominants, ORLAN en a fait le nerf de sa guerre. Ne lésinant pas sur les moyens pour se donner à voir dans des formes mutantes, c’est tout naturellement qu’elle a recours aux nouvelles technologies pour faire évoluer son art. Dans sa série des Self-hybridations, elle mêle les ethnicités.

 

ORLAN, française originaire de Saint-Etienne, s’hybride avec la statuaire précolombienne ou africaine grâce aux logiciels de traitement d’image numériques. L’artiste transcende ainsi les limites de l’identité et de la géographie, d’un “je suis”, elle affirme un “je sommes”. Dans ses hybridations africaines, elle se transforme en idole fétichisée capturée sous l’objectif des ethnologues en mission. Elle met en avant la relativité des pratiques culturelles en critiquant l’étroitesse d’esprit de leur hiérarchisation. Quelle différence, en effet, entre la “mutilation” d’un cou de femme-girafe et celle de la taille corsetée d’une européenne ? 


“Chaque société juge les pratiques des autres comme des mutilations, alors qu’en interne elles seraient un perfectionnement, occultant le caractère culturel des pratiques culturelles. Nulle part on ne trouve de société où le corps est laissé naturel, nu. Associé au barbarisme et à la sauvagerie, le tatouage, la scarification deviennent l’estampille des parias, des contestataires ou de la lutte contre l’extinction d’une identité culturelle.”
ORLAN

ORLANOÏDE, 2018

ORLANOÏDE. View of the exhibition: "Artists and Robots".

Au paroxysme de sa quête, ORLAN s’est immédiatement intéressée aux évolutions technologiques pour pousser encore plus loin la redéfinition du corps. En 2018, elle crée ORLANOÏDE, son alter ego robotique. Elle qualifie ce geste de “strip-tease artistique, électronique et verbal”. En mêlant sa fascination pour le transhumanisme, l’intelligence artificielle et la robotique, elle crée cette sculpture vivante, un autoportrait capable de parler et de se mouvoir, de se nourrir de ses lectures et des échanges avec les internautes sur son site.

 

Ainsi, ORLANOÏDE concentre les enjeux de l'œuvre de l’artiste : mêler des identités multiples, transcender les normes esthétiques et les limites physiques jusqu’à sa propre existence, car cet objet a pour dessein de lui survivre. En effet, ORLAN aime à repenser toutes les limites de la vie humaine, jusqu’à avoir créé une pétition contre la mort. Son rêve d’artiste ultime serait de se faire momifier et plastifier afin d’exposer son corps dans un musée au centre d’une grande installation interactive… Un projet qui n’a pas encore trouvé preneur, mais le futur n’est pas encore écrit. 

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Cover © ORLAN, Je t’autorise à être moi, je m’autorise à être toi, 2024